Les journées passèrent comme dans un rêve.  Raj était presque toujours avec elle, dans leur prison dorée, attentionné, amant, amoureux, complice.  Leur relation gagnait en profondeur, même s’il évitait de répondre à ses questions concernant les projets des reptiliens et leur avenir à tous deux.  « Profitons de ce répit » disait-il alors, « il vaut mieux ne pas se poser trop de questions » ou « tu le sauras bien assez tôt ».

Parfois il s’absentait durant une heure ou deux, en général il sortait de la pièce lorsque Charles venait, ne supportant plus de voir le monstre s’abreuver goulûment aux seins de sa chérie.

Isaura avait perdu la notion du temps, la seule référence, c’était l’heure des repas, qui se succédaient avec régularité et l’heure des tétées.  La nuit, l’éclairage baissait et Raj et elle avaient environ huit heures de tranquillité.

Un matin, Raj s’était absenté plus longtemps que d’habitude et revint avec Charles, il semblait tout excité.  Pendant que le reptilien s’assurait d’une bonne prise sur les tétons de la jeune femme, il se mit à parler d’une voix fébrile. 

-                     Nous partons, tu te rends compte, nous partons !

-                     Quoi ? Pour aller où

-                     Dans l’espace !

-                     Comment dans l’espace, c’est impossible !

-                     Si, c’est possible, nous sommes dans un vaisseau spatial, et nous partons vers leur planète.

-                     Avec une escale en cours de route, à la limite de votre système solaire. Ajouta Charles, la bouche dégoulinante de lait.

Isaura sentit les larmes lui monter aux yeux.

-                     Pourquoi es-tu aussi heureux ?

-                     Parce qu’il va revoir sa mère ! gloussa Charles, avant de reprendre un mamelon en bouche.

-                     Ta mère ?

-                     Oui, ma mère est sur leur planète, je ne l’ai revue qu’une fois il y a cinq ans lors du précédent voyage.  Ma mère était comme toi, avant, et à présent elle vit avec quelques autres femmes de différentes origines sur leur planète.

Pendant quelques instants, Isaura ne sut que dire, toutes ces informations se bousculaient dans sa tête, et il y avait tant de questions, qu’elle ne savait par quoi commencer.

-                     Bon je vais vous laisser, je crois que vous avez plein de choses à vous raconter, mais avant je vais vous activer l’écran, Isaura ne doit pas manquer de voir une dernière fois sa planète avant le saut dans l’espace.

Se relevant, Charles entra quelques commandes sur un clavier qu’il fit apparaître en pressant sa paume sur le mur.  Un écran s’illumina au plafond, par-dessus le bassin, montrant un ciel noir étoilé.

-                     Dans quelques minutes, nous allons pivoter et tu verras la TERRE, fit-il avant de quitter la chambre.

Isaura se tourna alors vers Raj.  « Tu ferais bien de me dire tout ce que tu sais » Rugit-elle.  « Je ne peux plus continuer ainsi, si tu me caches tout ! »

-                     Je ne sais pas grand-chose.  Je suis né sur la planète après que ma mère fut enlevée comme toi pour allaiter ces créatures, et leur servir de couveuse. Ensuite ils m’ont placé sur terre dans une famille à eux, à l’âge de 5 ans et j’y ai vécu jusqu’il y a 6 ans environ.  Après mes études de médecine, ils m’ont pris à bord de leur vaisseau et j’ai accompagné quelques femmes dans ce genre de voyage.  Une seule a résisté avant toi et c’est en allant sur la planète avec elle que j’ai revu ma mère.

-                     C’est quoi cette histoire de couveuse ? Et que veux-tu dire par « a résisté » ?

-                     Je ne sais pas comment ils font, mais ils vont placer des œufs en toi pour que tu les couves, puis cela donnera des petits reptiliens, c’est ainsi qu’ils se reproduisent.

-                     Tu ne sais pas ou tu ne veux pas me le dire ?

-                     Non je t’assure que je n’ai jamais vu ce qu’ils faisaient.  Les femmes étaient placées sous la surveillance d’un des leurs.  La seule que j’ai revu, c’était au débarquement sur la planète et elle a tout de suite été prise en charge par d’autres femmes, j’ai retrouvé ma mère et c’est tout ce que je sais.

-                     Alors que va-t-il m’arriver ? et qu’est-il arrivé aux autres ?

-                     Je ne sais pas.  Mais j’ai confiance, tu es forte, tu résisteras.

-                     Facile à dire !

-                     Je m’occuperai bien de toi, tant que je peux, je ne t’abandonnerai pas !

-                     Et les autres, tu t’es bien amusé avec elles aussi, je suppose ?

-                     Non ! non je t’assure ! Mes relations étaient uniquement professionnelles.  Charles pourra te le confirmer.  Mais toi, c’est différent.  Tu es différente.

-                     Qui me prouve que Charles et toi ne me mentez pas.  Jusqu’à présent tout n’est que mensonge ici.

-                     Je n’ai aucun moyen de te convaincre, et c’est vrai qu’on a voulu te taire certaines choses pour ne pas t’inquiéter, mais ceci est la vérité  Tu sais, les reptiliens sont froids, calculateurs, aiment voir souffrir les êtres à sang chaud parfois, en tout cas ils aiment voir nos émotions tellement plus intenses que les leurs, mais malgré ces défauts, ils ne sont pas hypocrites ni menteurs.  Ils ont aussi un sens de l’honneur et je t’assure que tu seras traitée comme une reine… après.

-                     Après quoi ? Tu ne sais vraiment pas.

-                     Non, mais j’ai demandé et obtenu de Charles la faveur de rester à tes côtés à chaque instant et de pouvoir t’aider dans cette épreuve.  Amoureusement et médicalement parlant.

Un bruit de moteur interrompit leur conversation, tournant les yeux vers l’écran, ils purent admirer un spectacle grandiose.  La planète bleue, leur planète, venait lentement d’apparaître à gauche et glissait vers la droite et le haut de l’écran.  En quelques minutes, elle rempli tout l’écran, splendide, radieuse, Isaura en avait le souffle coupé.  Elle ne pouvait croire qu’elle voyait cela pour la première et la dernière fois et se fit la promesse qu’elle reviendrait sur terre, coûte que coûte.  « Nous reviendrons » murmura-t-elle doucement.  Et Raj, dans un soupir lui répondit « je l’espère de tout cœur ma chérie ».